IRIC : MESSANGA NYAMDING, « L’ÉQUILIBRE RÉGIONAL N’EST QUE L’ÉCRAN DE FUMÉE DES TRIPATOUILLAGES »

Membre du jury du concours dont les résultats sont querellés, cet enseignant à l’Iric analyse la situation et propose des pistes de sortie de crise.

Comment pouvez-vous expliquer et justifier la crise et le tripatouillage des résultats du concours de diplomatie qui règne à l’Iric ?
L’Iric est un établissement prestigieux de Relations Internationales qui héberge actuellement huit filières, parmi lesquelles la diplomatie que vous avez évoquée. Nos enseignants permanents les plus prestigieux sont connus. Parmi quelques ainés citons, les professeurs Dieudonné Oyono, Ngoa Colins, Elvis Ngolé Ngolé, Maurice Kamto, Laurent Zang, Moukoko Mbonjo, Peter Agbor Tabi et Jean-Emmanuel Pondi. Voilà l’Iric des premières heures académiques en matière d’enseignement et de vulgarisation de notre vision des relations internationales, des relations internationales de développement. En 2001, je suis le premier politologue recruté, 18 ans après le Pr Jean-Emmanuel Pondi, le dernier des icônes précitées. Sur le site, j’ai trouvé le Pr Alain Didier Olinga en Droit public et le Dr Eba Ebe en Gestion. Ils y étaient bien avant moi. Qui peut donc nier qu’avec les chefs d’établissements de réputation affectés à l’Iric, cet établissement n’a pas de compétences ? Le corps enseignant qui s’agrandit avec de nouvelles compétences de qualité est-il remis en cause ? Je crois que non. Alors, pour moi, cette crise traduit le malaise qui règne actuellement entre les différentes hiérarchies politico-ethniques qui veulent avoir une emprise sur l’Etat et particulièrement sur la Fonction publique nationale. Tout laisse croire que l’on a utilisé l’équilibre régional comme écran de fumée pour faire des tripatouillages, sinon qu’est ce qui justifie la présence des noms des candidats du Centre/Sud dans la seconde liste, alors même qu’il était question d’insérer les noms des régions lésées, e l’occurrence l’Adamaoua, le Nord, le Nord-Ouest et l’Est.

Que faut-il comprendre par là ?
Plus de rigueur et de vigueur dans l’organisation des concours du point de départ au point d’arrivée. Cela nous aurait évité de mettre le ministre de l’Enseignement supérieur en difficulté.

Lorsque le ministre de l’Enseignement supérieur signe deux listes et publie deux listes n’est-il pas, lui aussi, responsable dans cette affaire ?
Le ministre a signé la première liste en faisant confiance au jury auquel j’appartiens. Lors de la délibération, nous n’avons pas intégré, de manière absolue, les principes fondateurs de l’Etat camerounais qui sont encadrés par le droit et la loi d’orientation de l’enseignement supérieur, qui repose sur trois piliers : Premièrement la prise en compte du mérite académique national, deuxièmement la méritocratie régionale dans l’excellence, c’est à dire l’excellence dans l’équilibre régional, et enfin, troisièmement, la prise en compte de l’équilibre social.

Alors, vous blanchissez le ministre de l’Enseignement supérieur dans cette mascarade ?
Mon franc-parler patriotique et citoyen est connu. Sincèrement, le ministre de l’Enseignement supérieur n’est en rien responsable des tripatouillages que vous avez, à raison, évoqués et que le ministre assume parce qu’il est un légaliste. Pour moi, aussi bien sur la première liste que sur la deuxième liste signée et publiée, le ministre Fame Ndongo a été victime soit de l’incompétence ou de la malhonnêteté de nous ses collaborateurs. Pris sous l’angle politico-académique, je peux le prouver et le démontrer si toutes les hiérarchies de l’Etat, au regard de mon obligation de réserve m’en donne l’opportunité.

Mais dites nous tout professeur ?
Vous n’allez pas me pousser à la faute administrative Monsieur Boyomo. Même si, administrativement, je suis à la disposition d’une chaîne hiérarchique vis-à-vis de laquelle je peux lever le droit de réserve. Mais, de grâce, ne m’y poussez pas.

Est-ce que le jury qui a produit la première liste des admis s’est réuni pour produire la seconde?
A ma connaissance, ce jury-là n’a pas été à nouveau convoqué. Ceux qui disent le contraire doivent vous présenter la liste des membres du jury qui a accouché de la seconde liste des admis. Si un jury d’urgence (jury ad hoc) a par extraordinaire été convoqué, comment comprendre que seuls le président et le rapporteur du jury précédent aient été maintenus ? Je trouve que cela dénote d’un manque de considération vis-à-vis d’éminents universitaires…

En homme politique et membre du Comité central du Rdpc, n’avez-vous pas rencontré, pour information, vos camarades le Minesup ou encore le Premier ministre pour plus de détails sur cette affaire ?
A cette question, je préfère observer la réserve, pour ne pas apparaître comme celui qui met de l’huile sur le feu. Car, certains estiment que le Cameroun de Paul Biya peut fonctionner en dehors de la vision et de l’influence du cadre idéologique de son parti le Rdpc.

Le chef de la cellule de communication du Minesup a évoqué dans une radio émettant de Yaoundé la mise en minorité du président du jury [le Sg du Min pour justifier la publication de la première liste d’admission au concours de l’Iric ]. Que dites vous à ce sujet ?
Le chef de la cellule de communication du Minesup a, à juste titre, rappelé dans ce média que le président du jury a été mis en minorité. C’est pourquoi la première liste issue de la délibération du jury souverain et solidaire auquel j’appartiens, a été signée par M. le ministre de l’Enseignement supérieur. Je souscris à ce qu’il a dit.

Comment un jury constitué de sommités peut-il se tromper à ce point. Qu’est ce qui n’a pas fonctionné ?
Les délibérations des jurys sont secrètes. Mon souhait est que le ministre de l’Enseignement supérieur fasse entendre individuellement les membres du jury du concours à problème. Afin de comprendre pourquoi celui-ci n’a intégré que les candidats de six régions sur dix. La loi intègre un autre déterminant important qui est l’excellence régionale académique.

Qu’est ce que cela veut dire ?
Techniquement, cela veut dire qu’avec une moyenne de 10 / 20, on peut déclarer admis le candidat d’une région qui n’est pas représenté sur la liste. La loi d’orientation de l’Enseignement supérieur l’article 11 alinéa 2a le prévoit. J’ai eu à expérimenter cela au concours de l’Enam, au concours de l’Iric où je cumule actuellement 14 ans d’expérience. Je n’ai rien à imposer au ministre, ni au Premier ministre, mais en tant qu’homme politique, je souhaiterai qu’en interne, tous les membres que nous étions soit entendu sur procès-verbal afin que nul n’en ignore. Le jury est certes souverain, mais conformément à la loi, je pense que nous sommes en partie responsables des problèmes que rencontre actuellement le ministre de l’Enseignement supérieur. Car si nous avions tenu compte de l’équilibre régional positif, toutes les régions seraient représentées.

En rectifiant le tir, des nouveaux noms du Centre/Sud et parfois d’un même département (le Nyong et Mfoumou) apparaissent. Nous pouvons citer une certaine Beti Mfoumou et un certain Ngoa Ntonga qui sont du même département. L’argument de l’équilibre régional tient-il toujours ?
C’est bel et bien là que le bât blesse. Qui a donc initié cela et pourquoi ? En plus du fait que le nom de la deuxième du concours sur la liste affichée, Mademoiselle Nti Mfoumou, n’y est plus, qui veut abattre Monsieur le ministre Fame Ndongo ? A mon avis, là aussi, il faut que des auditions soient ouvertes, pour établir avec lucidité les responsabilités.

Un autre problème professeur. Sur douze membres du jury de ce concours, huit sont originaire des régions du Centre / Sud. Est que cela n’a pas pesé sur les délibérations ?
Je n’ai pas à identifier les régions d’origine de mes collègues et ce n’est pas mon rôle. Mais je sais une chose. Le ministre Fame Ndongo à son arrivée au ministère de l’Enseignement supérieur, s’est rendu compte qu’en 2011, tous les responsables des départements à l’Iric étaient originaires du Centre. En bon légaliste, et après avis du Premier ministre, j’ai été promu aux fonctions de responsable de département. Pouvions-nous le faire avant ou dans l’avenir lorsqu’ on sait que qu’en matière de méritocratie sur le campus actuellement, en dehors de moi, tous les enseignants permanents de rang magistral de l’Iric sont originaires de la région du Centre / Sud.
Vous voyez bien que le mérite dans l’excellence est une préoccupation du ministre de l’Enseignement supérieur, qui a promu un directeur adjoint chargé de cours (grade), originaire du Littoral. Le secrétaire général est d’origine anglophone. Le ministre Fame Ndongo est un homme intègre qui a lui-même été chef d’établissement et recteur d’université. Soyons juste. Ne le jetons pas en pâture car, l’enseignement supérieur a encore besoin de cet homme honnête, ouvert et réceptif.

Comment sortir de cette crise à l’Iric?
A ce niveau, la décision doit être politique. Que les six autres candidats de la première liste soient réhabilités, au nom de la justice sociale. Car, le pays traverse une crise au Nord, qui mobilise actuellement la nation toute entière. Il ne faut pas en rajouter d’ autant plus que le chef de l’Etat, Paul Biya, est un homme d’apaisement.

© Mutations : Propos recueillis par Georges Alain Boyomo
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