L’augmentation des prix des hydrocarbures à la pompe : Les camerounais en sont tristes

La vie devient de plus en plus chère, le chômage gagne du terrain et les solutions tardent à venir ; du moins c’est approximativement le discours que tiennent beau nombre de camerounais approchés ces deux derniers pour nous enquérir du Comment vivaient-ils cette annonce ?

L’information avait déjà été rendue public la veille, mais c’est dans la salle de conférences du Ministère de la Communication, à l’occasion de l’échange entre le Ministre Issa Tchiroma Bakary, porte-parole du gouvernement, et la presse le Mardi 1er juillet dernier que tout sera corroboré, non sans des justifications à l’appui.

« Au terme de cette décision prise par le Gouvernement, les prix des hydrocarbures à la pompe se présentent désormais ainsi qu’il suit : le litre d’essence super passe de 569 francs CFA à 650 francs CFA, soit une augmentation de 81 francs CFA ; le litre de gasoil passe, quant à lui, de 520 francs CFA à 600 francs CFA, soit une augmentation de 80 francs CFA ; en ce qui concerne le gaz domestique, la bouteille de 12 kilos et demi passe de 6 000 francs CFA à 6 500 francs CFA, soit une augmentation de 500 francs CFA ; le prix du litre de pétrole lampant, qui concerne les populations les plus défavorisées, reste inchangé, à hauteur de 350 francs CFA », pouvait-on entendre à la lecture du communiqué du Mincom.

Une pilule dure à avaler pour certains, le début de l’enfer pour d’autres. M. OBAMA S., chauffeur de taxi dans la capitale Yaoundé espère que cela soit une simple blague : « Comment voulez-vous que l’on s’en sorte avec de telles décisions prises au détriment des camerounais. Quand je parle des camerounais, je parle de la masse, qui souffre énormément. Déjà nous ne nous en sortons pas avec les tarifs que nous impose la clientèle en payant 100 Fcfa pour une destination. Ce n’est pas évident, surtout que le patron exige des recettes, or sur le terrain joindre les deux bouts relève du miracle. Vraiment il faudrait que l’Etat revoie cela ». Carmelle, pompiste d’une station services, préfère ne pas se poser des questions : « Les ordres viennent du haut et ça a toujours été comme ; honnêtement j’ignore les tenants et les aboutissants d’une telle résolution, mais je préfère ne pas savoir. Si l’Etat estime qu’il est nécessaire d’augmenter les prix, je crois qu’elle a eu au préalable à consulter des experts pour ça ». Pascal T., moto-taximan, ne cache pas son mécontentement : « ça devient du n’importe quoi ; nous ne parvenons plus à envoyer nos enfants à l’école, tout est devenu cher, il n’y a pas de travail et quand on travail le salaire est minable et jamais il n’est revu à la hausse. Et si nous augmentons les tarifs de transports, on n’aura rien réglé, bien au contraire. En tout cas le message circule déjà, il est possible que nous lancions un mouvement de grève ce Lundi 07 juillet. C’est trop ».

Par Darysh Nehdi

Les camerounais auraient-ils pris au premier degré cette annonce ? L’auraient-ils compris au moins ? Ou alors l’information à eux servie n’était pas la bonne ? Il n’en demeure pourtant pas moins vrai qu’ils répercutent les commentaires à leur guise.

Pour mieux édifier l’opinion, le porte-parole du gouvernement lors de sa sortie médiatique donnait ainsi quelques chiffres : « À titre de rappel, la moyenne des prix réels des hydrocarbures à la pompe et du gaz domestique, c’est-à-dire ceux qui auraient été appliqués en dehors de toute subvention de l’État, se présentent ainsi qu’il suit : le super, 825 francs CFA le litre, soit une différence de 175 francs CFA ; le gasoil, 770 francs CFA le litre, soit une différence de 170 francs CFA ; le pétrole lampant, 705 francs CFA le litre, soit une différence de 355 francs CFA ; la bouteille de gaz domestique de 12 kilos et demi, 9 230 francs CFA, soit une différence de 2 730 francs CFA ». Il ajoutera  que chacune des différences évoquées dans le rapport entre le prix réel hors subvention et les nouveaux prix appelés à être pratiqués, continue d’être supportée par l’État, au bénéfice des consommateurs.

Pour mieux résumer les raisons de cette décision prise par le gouvernement, le Ministre Issa Tchiroma Bakary ressortira également quelques anecdotes : « Vous vous souvenez en effet qu’au cours de l’année 2008, le Chef de l’État, Son Excellence Paul BIYA, soucieux d’alléger le poids de l’inflation sur le coût de la vie et le pouvoir d’achat de nos populations – laquelle inflation était elle-même due à des causes exogènes liées à la crise financière et économique mondiale – avait décidé, entre autres mesures, de procéder au blocage des prix des hydrocarbures à la pompe, par une subvention publique directement financée à partir du budget de l’État, via la Société Nationale de Raffinage (SONARA). Ce mécanisme d’assistance aux prix à la consommation finale des produits pétroliers à la pompe a, de 2008 à 2013, coûté à l’État la somme de 1 200 milliards de francs CFA. Rien qu’au terme des six premiers mois de l’année en cours, les subventions versées par l’État, s’élèvent à 157 milliards de francs CFA, soit un montant cumulé, depuis 2008 jusqu’à ce jour, égal à 1 357 milliards de francs CFA. À la lecture de ce chiffre, qui représente à lui tout seul, 36% du budget de l’État pour l’année 2014, on prend parfaitement la mesure de l’incidence de la subvention des prix des produits pétroliers sur la capacité du Gouvernement à consacrer des ressources publiques conséquentes aux nombreux projets sociaux, éducatifs et infrastructurels, nécessaires à l’amélioration du bien-être des populations, ainsi qu’à celle de notre taux de croissance, qui conditionne pour une part déterminante, la réalisation des objectifs d’émergence de notre pays à l’horizon 2035 ». Ceci dit, le montant cumulé de la subvention de l’État aux prix des carburants à la pompe, soit 1 200 milliards de francs CFA de 2008 à 2013, tel que mentionné plus haut, correspond à 120% du budget d’investissement public de l’exercice 2014.

En outre, s’agissant de la capacité de la SONARA à raffiner les bruts camerounais, il sera précisé qu’à l’origine, cette raffinerie avait été conçue pour traiter majoritairement des bruts légers dont la présence demeure encore marginale dans la production pétrolière de notre pays. La raison en est qu’à sa création en 1981, la production réelle du Cameroun étant encore particulièrement faible, et qu’elle n’était constituée que d’un brut léger, en l’occurrence celui appelé « brut kolé », la rentabilité de la raffinerie imposait une importation d’autres bruts légers en provenance de gros producteurs, tels que le Nigeria, le Gabon ou encore l’Angola. Mais au fur et à mesure que les recherches pétrolières évoluaient en s’intensifiant, la production camerounaise allait connaître une augmentation sensible, mais en brut lourd, pour lequel la SONARA n’était pas équipée en termes de raffinage. La conséquence en est que la SONARA se trouve aujourd’hui en situation de devoir importer des bruts légers pour le raffinage desquels elle est équipée, afin de satisfaire la demande locale, même s’il est vrai que la proportion de ces bruts dans la production nationale commence à connaître un certain accroissement, avec notamment la mise en exploitation des gisements d’Ébomé au large de Kribi.

Il est donc impératif que le formatage technologique de la SONARA soit effectif, la spécialisant majoritairement dans le raffinage des bruts légers. Mais cela ne va sans des coûts tous aussi costauds. La stratégie pensée s’ouvre sur plusieurs phases dont la première, appelée « projet d’extension et de modernisation », prévue pour parvenir à son terme en septembre 2014, est estimée à 220 milliards de francs CFA environ. La seconde phase, dont le marché vient d’être attribué, est quant à elle chiffrée à 350 milliards de francs CFA, soit au total 570 milliards de francs CFA pour l’ensemble du projet. Mais, en raison de la charge toujours plus croissante que le niveau des subventions fait peser sur les finances de l’État, celui-ci éprouve de plus en plus de difficultés à honorer à temps ses engagements vis-à-vis de la SONARA. « Pour l’année 2014 – donc l’année en cours – et à titre d’illustration, 220 milliards de francs CFA avaient été budgétisés pour couvrir les manques à gagner de la SONARA issus de l’application du prix subventionné pour les hydrocarbures à la pompe. Mais aujourd’hui, alors que nous ne sommes qu’à mi-parcours de l’année budgétaire, ces prévisions sont déjà en dépassement de plus de 100 milliards de francs CFA, et les projections pour la fin de l’année, estimées quant à elles à 450 milliards de francs CFA, au lieu de 220 milliards initialement prévus », ajoutera le ministre.

Nous ne sommes donc pas sortis de l’auberge, et désormais, comme l’a dit ce dernier, le sacrifice devient une contrainte à laquelle on ne saurait échapper, surtout quand on sait que ce ne sont plus seulement les prix des  hydrocarbures qui inquiètent, mais ceux des denrées de premières nécessités qui connaissent aussi une flambée sur le marché local actuellement.

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