Enquête – Garoua : Le procureur de la République trainé dans la gadoue

L’affaire continue d’animer les conversations dans les chaumières et les salons feutrés de la ville de Garoua. Dans une publication du 12 juillet 2019 sur sa page Facebook, Boris Berthold souligne que le «Procureur de la République de Garoua en plain trafic d’influence autour de 15 millions de Fcfa.» La publication qui tient sur un seul paragraphe est accompagnée par une lettre scannée destinée au préfet du département de la Bénoué et dans laquelle l’auteur, Fabrice Guidassa, chef de service départemental du patrimoine de l’Etat de la Bénoué, dénonce sa détention arbitraire à la brigade de gendarmerie de Garoua 1, du 21 au 22 juin 2019 sur ordre du Procureur de la République.

L’affaire éclate véritablement le 21 juin 2019. Deux jour plus tôt, le Procureur de la République près les tribunaux de Garoua, Henry Noël Moukory Missipo, saisi par correspondance le chef de service départemental du patrimoine de l’Etat de la Bénoué pour le demander de «bien vouloir d’urgence monter le dossier d’appel d’offres» portant sur les travaux de réhabilitation de la propriété administrative attribuée aux services du Tribunal de Grande instance de la Bénoué par la délégation régional du cadastre et des affaires foncières du Nord. Dans sa correspondance adressée au préfet de la Bénoué, Fabrice Guidassa raconte avoir monté le dossier d’appel d’offres pour le Procureur et à ses frais. Au terme du travail qu’il a effectué en deux jours, au lieu de se faire rembourser par le Procureur de la République, ce dernier va plutôt ordonner son arrestation. « Le Procureur de la République a donné l’ordre au Commandant de brigade Amadou de me mettre en cellule malgré le fait que lui ai dit que je souffrais du rhumatisme et d’asthme. C’est ainsi que j’ai eu à séjourné dans leur cellule du 21 au 22 juin 2019 sans connaitre le mobile de ma détention et sans être entendu sur procès-verbal.»

Outrage à magistrat

La correspondance de Fabrice Guidassa adressée au préfet et dont nous n’avons pas pu avoir la suite réservée par le destinataire, a également été transmise au gouverneur de la région du Nord, au délégué régional des domaines, du cadastre et des affaires foncières, au président de la cour d’appel du Nord, au procureur général près la cour d’appel du Nord et au président du tribunal de grande instance de la Bénoué. Fabrice Guidassa dans cette affaire, n’évoque nulle part la question de détournement des fonds alloués à la réhabilitation du bâtiment en question. Il insiste sur le fait d’avoir été détenu dans les cellules de brigade de gendarmerie de Garoua 1 et estime que c’est un abus qu’il veut dénoncer. Joint au téléphone, le Procureur de la République nous a indiqué qu’il ne pouvait parler de ce sujet dans la presse sans avoir reçu l’autorisation de sa hiérarchie.

Mais dans son entourage, certains de ces collaborateurs, impliqués dans le dossier, acceptent de réagir sous le couvert de l’anonymat. «Dans le récit de Fabrice Guidassa, il y a beaucoup de contre-vérités. Il a bien séjourné dans les cellules de la gendarmerie à la suite de son attitude irrévérencieuse et des propos outrageants à l’endroit du Procureur de République. Son récit est muet sur beaucoup de détails dans cette affaire, on peut le comprendre, il essaye à tout prix de retourner l’affaire à son avantage. Sur son comportement irrévérencieux, le Procureur n’est pas la première victime. Ses supérieurs hiérarchiques et des autorités administratives ont initiés des procédures disciplinaires à son encontre pour les mêmes causes. Il est réputé pour son manque de respect et son caractère belliqueux dans ses rapports de travail. Pour ce qui est de l’incident avec le Procureur de la République, l’affaire a déjà été porté à l’attention de haute hiérarchie et tout sera certainement tiré au clair car tout ça s’est déroulé devant des témoins et il y a des éléments de preuves à tous les coups. Quand il affirme par exemple qu’il a monté des dossiers à ses frais, c’est complètement faux. A chaque fois que le parquet lui demandé un travail, il est rentré dans les fonds correspondant à ce travail et ça on peut le vérifier. Il ne dit pas aussi dans sa correspondance que ce travail de montage du dossier d’appel d’offres a été fait à plusieurs reprises, trois fois précisément et qu’on a constaté que son travail était mal fait. Il s’agit d’un dossier d’appel d’offres pour un marchés publics qui relève du département de la Bénoué mais on a constaté par exemple qu’il est allé prendre des copies des dossiers de la région, oubliant d’enlever les mentions « délégation régionale » et s’est précipité de faire du copier – coller en oubliant de modifier. Ce qu’il faut aussi savoir c’est que ce dossier fait l’objet d’un marché public qui est géré par la commissions départementale des marchés publics et c’est elle qui va finaliser l’attribution en fin de compte.
Mais malheureusement, on essaie de vouloir nuire à l’image du parquet.» Explique-t-on dans l’entourage du Procureur de la République.

Sabotage

L’affaire qui a priori n’était qu’une simple dénonciation de ce que la victime qualifiait d’abus d’autorité a pris une autre tournure avec l’évocation de la volonté du Procureur de la République de vouloir détourner les fonds alloués à la réhabilitation du bâtiment dans la publication sur Facebook. Dans l’entourage de ce dernier, on croit dur comme fer que la propagation de la nouvelle selon laquelle le patron du parquet des tribunaux de Garoua a voulu détourner l’argent destiné à la réhabilitation de ce bâtiment est simplement l’œuvre de certains de ses collègues des tribunaux de Garoua qui ne lésinent plus sur les moyens pour jeter des épines sur ton trajet. «Bien avant cette pseudo dénonciation, ses détracteurs, qui sont connus et qui ne se recrutent pas seulement au sein de la justice, mais aussi parmi certaines autorités de la ville, ont commis des lettres haineuses à la hiérarchie pour tenter de le calomnier. Certains sont allé jusqu’à donner des caractéristiques erronées sur le bâtiment en question simplement pour démontrer leur incongruité. Ses détracteurs qui sont à la manœuvre de ce sabotage tentent une nouvelle fois à travers cette histoire de ternir son image et le fragiliser. On connait tous comment se déroule les procédures de passations des marchés, on comprend mal comment le Procureur qui ne gère pas cet argent peut le détourner. Ces détracteurs ne sont pas à leur première tentative et c’est triste malheureusement.» Affirme-t-on dans l’entourage du Procureur de la République.

Le bâtiment en question, situé à quelques encablures du Palais de justice abritait jusqu’à une époque récente une partie des services du secrétariat général de la région du Nord. Bâtit sur une petite superficie, il comporte à peine deux pièces et présente un aspect de délabrement bien avancé. Au sein de la commission départementale de passation des marchés publics de la Bénoué où les dossiers en réponse à l’appel d’offres pour ce marché sont en cours d’examen, on se dit un peu surpris par la tournure des événements. «A la suite d’une demande de la justice qui a constaté que l’actuel Palais de justice de Garoua est devenu exigüe pour abriter l’ensemble de ses services, le gouverneur de la Région du Nord, via la délégation régionale des Domaines, du cadastre et des affaires foncières décide d’attribuer en 2018 le bâtiment abandonné à la justice pour abriter une partie du personnel du tribunal de grande instance de la Bénoué. Immédiatement après cette attribution, le ministère de la Justice va décider du déblocage de la somme de 15 millions de Fcfa pour les travaux de réhabilitation du bâtiment. Il faut préciser que cette somme n’est pas mise à la disposition du Procureur de la République. Il s’agit comme on dit communément d’un carton qui servira au financement des travaux lorsque la commission départementale des marchés publics de la Bénoué aura attribuée le marché. La procédure de passation du marché est actuellement en cours au niveau de la commission départementale de passation des marchés publics de la Bénoué et le Procureur de la République n’est pas membre. L’autorité contractante du marché c’est le Préfet de la Bénoué. Il faut également préciser que le Procureur de la république est dans son rôle lorsqu’il demande de monter le dossier d’appel d’offres afin que la commission planche sur l’attribution du marché en sa qualité de gestionnaire du crédit et c’est lui qui va suivre l’évolution des travaux.» Explique un membre de la commission départementale de passation des marchés publics de la Bénoué.

Par Innocent Youda

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