THOMAS SANKARA, LA VÉRITÉ 28 ANS APRÈS

Les résultats de l’autopsie et de l’expertise balistique réalisées sur le corps de l’ancien président burkinabè Thomas Sankara (1983-1987) ont révélé qu’il avait été abattu de plus d’une dizaine de balles le 15 octobre 1987. La famille du «père de la révolution» est heureuse de se rapprocher de la vérité, enfin.

Qui voulait la peau de Thomas Sankara ? L’histoire ne le dit pas encore, mais commence à lever le voile sur un tabou de 28 ans au «pays des hommes intègres», tel qu’il l’avait rebaptisé en 1984. Les premiers résultats de l’enquête sur son assassinat, qui devaient être révélés le 17 septembre, jour du coup d’Etat manqué du général Diendéré, ont été annoncés lundi au Burkina Faso. Sans surprise, la cause officielle du décès –«mort naturelle»-, établie en 1987, a été complètement démontée par l’autopsie et l’expertise balistique. Le «père de la révolution» burkinabè, icône du panafricanisme qui s’est notamment battue contre les tares de la Françafrique, a bel et bien été assassiné à l’âge de 37 ans. «Au niveau des impacts, ce qu’on a pu relever en ce qui concerne le corps de Thomas Sankara, c’est vraiment ahurissant. On peut dire qu’il a été purement et simplement criblé de balles», a déclaré Me Ambroise Farama, un des avocats de la famille. «En ce qui concerne les autres (personnes assassinées en même temps que Sankara), on a pu retrouver par-ci, par-là un ou deux impacts de balles. Mais pour Thomas Sankara, il y en avait plus d’une dizaine à tous les niveaux, et même en bas des aisselles, a-t-il ajouté, cité par l’AFP. Ce qui montre qu’il avait certainement levé les bras, si en tout cas c’est bien lui. Il y en avait partout, dans la poitrine, les jambes…» L’avocat a précisé à Burkina24 que des «G3, des Kalachnikovs, des pistolets automatiques» avaient été utilisées. «Des armes relevant de l’armée»…

Toutefois, Me Farama a souligné qu’il fallait attendre le résultat de tests ADN, en cours en France, pour formellement identifier l’ancien chef d’Etat. M. Sankara avait en effet été enterré en catimini au cimetière de Dagnoën, en banlieue est de Ouagadougou avec d’autres victimes. «A ce stade on ne peut pas être totalement affirmatif (…). Par contre, il y a des éléments qui ont été retrouvés dans les tombes qui portent à croire qu’effectivement ces tombes-là sont celles des personnes qui ont été assassinées le 15 octobre 1987», a-t-il précisé. «Dans certaines tombes, les parents des victimes qui étaient présentes (dans le cabinet du juge d’instruction) ont pu reconnaître les vêtements (qu’elles portaient) le jour de l’assassinat.» Pour «Thomas Sankara, la famille reconnaît que ce jour-là, il était habillé en survêtement rouge», dont des restes ont été retrouvés dans sa tombe. Celui que l’on surnomme parfois le «Che Burkinabè» a en effet été tué un jeudi, jour de sport de masse obligatoire pendant la révolution. Selon plusieurs témoignages publiés, c’est un commando qui a perpétré l’exécution au Conseil de l’Entente, siège du gouvernement en plein centre de Ouagadougou, il y a 28 ans quasiment jour pour jour.

AU MOINS 8 PERSONNES INCULPÉES

Dans la foulée, «huit ou neuf» personnes ont été inculpées, dont certaines déjà déférées, selon l’un des avocats de la famille Sankara, Me Bénéwendé Stanislas Sankara (sans lien de parenté). Parmi elles, le médecin colonel-major Fidèle Guébré, qui avait établi le certificat de décès à l’époque, en tant que directeur de la santé militaire, a été mis en examen pour «faux en écriture publique». Mais aussi «des militaires de l’ex-RSP (Régiment de sécurité présidentielle)», l’unité d’élite de l’armée qui a mené le putsch du mois dernier, et qui a été dissoute. Rappelons que leur chef, le général Gilbert Diendéré – actuellement écroué à Ouagadougou, inculpé «d’attentat à la sûreté de l’Etat» et de «haute trahison»- est largement soupçonné d’avoir été à la tête du commando qui a abattu le capitaine Sankara. Il était alors l’homme de l’ombre et le bras droit de Blaise Compaoré, lui même étant à l’époque le lieutenant, et l’ami, de Sankara.

Compaoré avait été porté au pouvoir par le coup d’Etat de 1987 dans l’ex-colonie française. Il y est resté pendant 27 ans, avant d’être à son tour destitué le 31 octobre 2014 sous la pression populaire, à l’issue de 48 heures de manifestations qui ont fait 24 morts. Pendant tout son règne, la question de l’assassinat de Sankara est restée taboue. Il avait même refusé à Mariam Sankara, la veuve, l’ouverture d’une enquête malgré sa plainte contre X déposée au nom de ses deux enfants en France, où elle s’est installée en 1990. L’enquête sur sa mort a été ouverte en mars dernier par le régime de transition, cinq mois après le renversement de Compaoré. Les ossements de M. Sankara ont été exhumés fin mai et sont donc en cours d’authentification dans l’Hexagone. «Je n’ai pas abandonné, je n’abandonnerai pas, jusqu’à ce que vérité soit faite», a-t-elle promis dans une interview à l’AFP en juin. Me Bénéwendé Sankara a dit être confiant quant à la suite de la procédure. «Ça fait déjà plus de 18 ans. On voit se profiler à l’horizon une instruction sérieuse, sereine où les droits de la défense sont garantis», s’est-il réjoui sur le site burkinabè. Initialement prévue le 11 octobre mais reportée en raison du coup d’Etat avorté –qui a tout de même fait 14 morts et 251 blessés-, l’élection présidentielle au Burkina Faso a été finalement été reportée, ce mardi, au 29 novembre.

PAR Parismatch.fr

 

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